L’oiseau bleu affectionne particulièrement les cultures d’oléagineux, comme ici le tournesol. (© Laurent Bernède)

La palombe « urbaine » fait des dégâts

De plus en plus d’oiseaux se fixent et se reproduisent autour des villes. Ces populations sédentaires font des dégâts sur les cultures. Sensible au problème, la Fédération des chasseurs mène une étude et a mis en place des mesures pour éloigner les palombes devenues indésirables.

Le préfet du département comme ailleurs dans le Grand Sud a pris des mesures drastiques et signé un arrêté classant la palombe parmi les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD). La décision est intervenue après que quelques agriculteurs des Pyrénées-Atlantiques ont tiré la sonnette d’alarme face à l’ampleur des dégâts sur leurs cultures d’oléagineux. Car ici, comme un peu partout au sud de la Loire, l’oiseau bleu a pris ses quartiers dans et autour des villes. « Depuis quelques années avec le réchauffement climatique et l’évolution des pratiques agricoles nous observons de moins en moins de jours de migration et de plus en plus d’hivernage et de sédentarisation », confie Lionel Daguerre, technicien à la FDC64. « L’installation et le développement de ces oiseaux en zone périurbaine cause de sérieux problèmes aux producteurs de soja ou de tournesol. C’est pour cela que notre Fédération, en partenariat avec l’administration, propose des outils afin de les éloigner des parcelles attaquées ».

Deux oiseaux suivis avec des balises
Autour de la région paloise, 43 communes ont ainsi vu en 2018 la palombe inscrite parmi les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts. Une vingtaine d’agriculteurs ont sollicité la Fédération des chasseurs afin que soient installés des cerfs-volants ou des fusées crépitantes à proximité de leurs champs. En 2019, quatre agriculteurs qui, malgré l’effarouchement, voyaient toujours leurs récoltes attaquées, ont fait une demande de tir de destruction individuelle. Parallèlement, le service technique de la FDC64 a lancé une étude sur le comportement des palombes sédentaires. Pour tenter de comprendre leurs mouvements, deux d’entre elles ont été capturées au mois de juin dernier et sont équipées de balises VHF. « C’est du radio-tracking, explique Lionel Daguerre. Chaque oiseau a un numéro de fréquence. Nous sommes limités par la distance mais elles évoluent dans un rayon de 2 à 3 km ». D’ores et déjà, le suivi a permis de déterminer que l’une des palombes a participé à la reproduction à moins de 800 mètres de sa zone de capture et que l’autre a passé des journées entières dans des parcelles de d’avoine et de blé en compagnie de 200 congénères à un kilomètre du lieu où elle a été équipée. « Cette étude va nous permettre de déterminer si elles sont fidèles aux mêmes parcelles comme elles le sont pour les zones de nidification, explique Lionel Daguerre. Utilisentelles toujours les mêmes milieux ? Existe-t-il une hiérarchie alimentaire qui diffuse les jeunes oiseaux sur d’autres parcelles ? Y-a-t-il une stratégie alimentaire ? Comment les oiseaux réagissent-ils aux méthodes d’effarouchement ? Comment fonctionnent- ils en ville ? ». Sur la zone au nord de Pau, ils trouvent toutes les conditions favorables pour s’alimenter ainsi que de nombreux parcs et jardins pour y construire un nid et élever des jeunes. « Juju » et « JPD », c’est ainsi qu’ont été baptisées les deux palombes équipées de balises. Elles ont
été capturées à l’aide de filets d’une superficie de 24 m2 posés au sol dans le jardin d’un particulier aux portes de Pau et sur une parcelle de Soja, à Lescar. L’opération a été menée entre le 14 mai et le 1er juillet et a également permis de baguer six oiseaux.

L’opération reconduite en 2020
La technique du filet nécessite une présence constante d’un technicien sur le site car les palombes ont des rythmes d’activités variant d’une journée à l’autre en fonction des conditions météorologiques ainsi que de l’avancement de la période de reproduction et des cultures. « Sur les parcelles de soja, les captures sont beaucoup plus compliquées en raison de la taille des champs et de la rapidité de levée des plantules devenues au bout de quelques jours moins appétentes pour les oiseaux ». Les techniciens savent déjà que les oiseaux bagués au nid sur l’axe migratoire quittent leur zone de nidification et se laissent entraîner par l’effet de vague. « Ils sont pris par le mouvement, on en a retrouvé à 200 kilomètres ». Qu’en sera-t-il de « Juju » et « JPD » lors de la prochaine migration ? Mystère. Ce qui est certain en revanche, c’est qu’en 2020 l’opération de capture et de marquage sera reconduite. Mais au printemps, en mars ou avril, période plus propice en début de reproduction. Les palombes sont alors regroupées, à la recherche de nourriture. « Cette année, en raison des autorisations de capture parvenues tardivement notre travail a été plus compliqué », conclut Lionel Daguerre.

Jean-Michel Desplos