Les données sont notamment obtenues à partir des bagues posées par le Réseau bécasse.

Bécasse : préserver l’avenir

La Mordorée suscite la passion de nombreux chasseurs. Mais face à cet engouement, il est nécessaire de gérer les populations et d’adopter des mesures spécifiques. La Fédération s’engage.

À la veille de chaque saison, les mêmes interrogations reviennent : quelles sont les prévisions d’abondance pour la bécasse des bois ? Va-t-il ou non y avoir une bonne migration dans les Pyrénées-Atlantiques? Quand les oiseaux vont-ils arriver ? En 2017- 2018, les chasseurs du département se sont fait plaisir. Plus de 20 000 bécasses garnissent le tableau après analyse des carnets de prélèvements, soit près de 10 % de plus que la saison précédente.

Les Pyrénées-Atlantiques ont bénéficié de nombreuses boutées assez tôt dans la saison car les conditions d’accueil étaient favorables. « Nous avons eu une bonne saison », confie Michel Aso, administrateur de la Fédération. « Nous avons bénéficié d’oiseaux que l’on n’aurait pas dû avoir », estime le technicien David Achéritogaray. « Il y a eu un gros déficit hydrique dans toutes les régions du sud-est de la France. Les bécasses ont déserté leurs quartiers d’hivernage habituels pour se rapprocher des zones plus humides du grand Sud-Ouest tandis qu’au même moment la neige avait déjà fait son apparition dans le Massif Central ». 62,6 % des carnets de prélèvements sur les 7 700 délivrés ont été restitués à la Fédération. Un résultat excellent par rapport à la moyenne nationale. « Sur les carnets non retournés, on en prend 300 et on appelle les chasseurs pour savoir ce qu’ils ont vu et pris », dit Michel Aso. « Souvent ce sont des chasseurs qui ont deux ou trois bécasses dans la saison. Ceux-là égarent le carnet dans la poche de leur veste. C’est plus de l’oubli que de la négligence ».

Un déficit de juvéniles
Comme ailleurs, les responsables cynégétiques des PA brandissent la menace de la non délivrance d’un carnet la saison suivante en cas de non retour. Ils invitent les chasseurs « tête en l’air » à se justifier par lettre afin d’expliquer les raisons de ce non-retour et leur motivation pour la chasse de l’oiseau mythique. « L’année d’après, ils y pensent », renchérit Michel Aso. Car la Fédération fait le nécessaire pour informer les chasseurs sur la nécessité du retour du carnet : envoie de SMS après la fermeture au 20 février et piqûre de rappel au mois de mai.

Une grande majorité de chasseurs a bien compris que la gestion de la bécasse passe inévitablement par le retour des carnets. «Il y a un fort intérêt pour la bécasse pour les chasseurs au chien d’arrêt », reconnaît encore Michel Aso. Dans les Pyrénées-Atlantiques, le prélèvement maximal autorisé (PMA) est de 2 oiseaux par jour, 6 par semaine et bien entendu, 30 pour la totalité de la saison. Si la saison dernière a été bonne pour les chasseurs, en revanche, l’âge ratio des bécasses prélevées a soulevé des interrogations. « Dans une saison normale, nous sommes aux alentours de 60-70 % de juvéniles alors que nous étions autour de 57 % », constate l’administrateur. « Il y avait beaucoup d’adultes. Ces résultats nous font un peu peur pour la saison en cours et les prochaines. Sachant que la bécasse est fidèle à sa zone d’hivernage, on a des craintes ».

Responsabiliser les chasseurs
Le Réseau bécasse composé d’une trentaine de chasseurs et de techniciens fournit des renseignements sur l’espèce tout au long de la saison. Réuni au début de l’été dernier, le Réseau a fait une analyse fine des données recueillies et émis, pour le futur proche, le souhait de suspendre la chasse deux jours par semaine et de descendre le PMA hebdomadaire à trois oiseaux. «Nous allons prendre notre bâton de pèlerin en décembre et janvier et organiser quatre réunions en expliquant les données que nous obtenons à partir des trois mille bagues que nous avons posées ces dernières années », dit David Achéritogaray. « Il y a des mesures à prendre pour garder quelques bécasses adultes qui nous sont fidèles. Nous allons faire des propositions dans ce sens. Ensuite les chasseurs se détermineront », observe Michel Aso. In fine, la décision sera actée dans le futur schéma de gestion cynégétique départemental. « On a décidé d’être transparent », résume David Achéritogaray. « Il faut responsabiliser les chasseurs. Il y a plus de 40 départements en France qui appliquent des mesures de suspension de la chasse pour la bécasse», plaide Michel Aso. La saison 2018-2019 bat désormais son plein. Les chasseurs et leurs chiens sont pleins d’espoir.

Jean-Michel DESPLOS